Eau et génie technique
Le triangle délimité par l’Etang de Mittersheim, la Grande Ecluse de Réchicourt et le port de Lutzelbourg présente sur le seul périmètre du Pays de Sarrebourg une multitude d’ouvrages d’alimentation et de fonctionnement des canaux, les étangs réservoirs de Gondrexange, Mittersheim et Stock, une écluse de 15,5 mètres qui est la Grande Ecluse de Réchicourt, ainsi que l'ouvrage unique en Europe, celui du Plan incliné. Ce dernier permet aux bateaux de franchir aisément l’obstacle constitué par le dénivelé du tracé du canal et remplaçe les 17 anciennes écluses manuelles qui forment un chapelet sur ce que l’on appelle aujourd’hui l’Ancien Canal.
Le canal de la Sarre et le canal de la Marne au Rhin
C’est au Pays de Sarrebourg, traversé du Nord au Sud par le canal de la Sarre (anciennement canal des Houillères de la Sarre) et d’Ouest en Est par le canal de la Marne au Rhin que se trouve le point stratégique d’alimentation de ces deux canaux, au niveau de leur intersection. Ce point d’alimentation s’appelle le bief de partage des Vosges, constitué de trois branches à partir de ce point : une première allant jusqu’au plan incliné de Saint Louis - Arzviller, une seconde jusqu’à la grande écluse de Réchicourt, une troisième allant jusqu’à l’écluse n° 1 du canal de la Sarre.
C’est de ce triangle que dépend toute l’alimentation des deux canaux, réalisée à partir d’un dispositif mixte d’alimentation en eau. Cette alimentation s’effectue d’une part à partir des ressources naturelles à l’aide de prises d’eau sur la Sarre Blanche et sur la Sarre Rouge, d’autre part à partir des réservoirs que sont les étangs artificiels du Pays de Sarrebourg.
Le dispositif de captage permet une prise d’eau d’un débit journalier de 100 000 m3 sur la Sarre Blanche et de 600 000 m3 sur la Sarre Rouge.Pour des raisons d’hygiène et pour l’équilibre hydrologique, un débit résiduel de 20 000 m3 (8000 pour la Sarre Blanche, 12 000 pour la Sarre Rouge) est maintenu.
En période de sécheresse, le débit cumulé des Deux Sarres est complété par l’alimentation en eau par les étangs réservoirs de Gondrexange et du Stock.En période de crue, le débit utile se trouve limité par la capacité hydraulique des rigoles qui n’est que de 600 000 m3/j. Les eaux excédentaires permettent ainsi de réalimenter les étangs.
Les canaux sont ponctués d’ouvrages d’art remarquables : la traversée des grands étangs, le site d’Albeschaux, la grande écluse, le plan incliné, ainsi que le pont-canal de la Forge qui fait passer le canal de la Sarre au dessus d’une voie ferrée. Les canaux sont aujourd’hui surtout des voies pour la navigation de plaisance.
Les étangs réservoirs de Gondrexange, Mittersheim et Stock
Ces étangs ont été créés au Moyen-Age pour la pisciculture par des moines bénédictins. Par la suite, ils ont aussi servi en tant qu’éléments défensifs, permettant d’inonder les terres pour protéger les villages de la pénétration des armées ennemies durant les périodes de conflits. Aujourd’hui ils servent à la régulation des canaux de la Sarre et de la Marne-au-Rhin.
Situé le plus au Nord, l’étang de Mittersheim, d’une capacité de 6 200 000 m3 d’eau, permet d’alimenter le canal de la Sarre du bief 14 au niveau de Mittersheim jusqu’au bief 27 situé au niveau de Sarreguemines. (La section entre les écluses 1 à 13 du canal est alimenté par le bief de partage).
L’alimentation de l’étang s’effectue par son bassin versant mais également par des apports de la Sarre moyennant un courant d’eau nocturne entre les écluses n°1 et n°11 (ce mode de remplissage ne pouvant pas être pratiqué de jour en raison de la gêne qu’il apporte à la navigation). Une station de pompage située au droit du bief n°22 à Wittring permet de suppléer à une insuffisance des réserves de l’étang de Mittersheim, d’avril à fin octobre.
L’étang du Stock d’une superficie de 700 ha, permet de fournir 16 000 000 m3 utiles d’eau.
Comme il est situé en contrebas du canal de la Sarre, il possède une station élévatoire comportant 4 pompes. Cette réserve d’eau étant très onéreuse, il n’y est fait appel que lorsque le réservoir de Gondrexange est pratiquement vidé de son eau. Du fait de sa situation, l’utilisation de cette réserve est très onéreuse et
L’étang est alimenté par son bassin versant.
L’Etang de Gondrexange, d’une superficie de 470 ha, permet de fournir 12 000 000 m3 utiles d’eau.
Il possède un dispositif de pompage et de vannage permettant d’utiliser son contenu alternativement par gravité ou par pompage. La station de pompage comportant 3 pompes de 80 000 m3/j susceptibles de fonctionner dans les deux sens (alimentation du canal/réalimentation de l’étang).
L’alimentation de l’étang est faite par son bassin versant, mais aussi par les eaux excédentaires apportées par la rigole alimentaire de la Sarre Rouge. Ces eaux peuvent être accumulées par gravité lorsque l’étang est vide et par pompage lorsque son niveau dépasse celui du bief de partage, l’étang se situant à un niveau plus élevé que le canal.
Les étangs représentent en même temps de vastes espaces de loisirs et de détente, ainsi que des réserves floristiques et faunistiques (notamment ornithologiques). Les voies de halage le long des deux canaux sont aussi des supports de pistes cyclables, dont le réseau s’inscrit dans le cadre des itinéraires nationaux et européens Véloroutes Voies Vertes.
Le plan incliné d'Arzviller - Saint Louis sur le versant Est de la Sarre
Avant la construction du plan incliné, ce versant comportait 17 écluses qu'il fallait auparavant franchir pour traverser les contreforts des Vosges situés entre le Plateau Lorrain et la Plaine d'Alsace. L’alimentation de ces écluses ne pouvait se faire qu’à partir du bief de partage. A partir de l’écluse n°18, des prélèvements dans la Zorn permettaient d’alimenter le versant Rhin du Canal de la Marne au Rhin, le bief de partage intervenant lors d’une sécheresse prolongée.
Avec la construction du plan incliné, qui fut commencée en 1964 pour s’achever en 1969, les biefs entre les écluses n°1 et n°18 ont été mis hors services. Ce "funiculaire" permet aux péniches de plus de 300 tonnes de franchir 50 mètres de dénivelé, avec pratiquement sans énergie et une très faible consommation d’eau. Ce gigantesque ouvrage obéit à la fois aux lois de la physique, de l'hydraulique et de la mécanique, jouant sur les équilibres des masses. Cet ouvrage ne consommant pas d’eau, il est indispensable de fournir au secteur aval non seulement l’eau nécessaire pour compenser les pertes par infiltration et évaporation, mais aussi celle utilisée pour le sassement des bateaux.
Les ressources continuent à être prélevées dans la Zorn dont la première prise sert à alimenter le bassin aval du plan incliné. Le bief de partage continuant à apporter l’alimentation en eau complémentaire par l’intermédiaire d’une conduite forcée associée au plan incliné.
La grande écluse de Réchicourt-le-Château sur le versant Ouest
Le versant Ouest qui s’étend jusqu’à la Meurthe a été marqué par la construction de l’écluse à grande chute de Réchicourt, l’écluse n° 2, mise en service en 1964 et remplaçant 6 écluses traditionnelles (ces dernières ont toutefois été maintenues en état de service pour limiter la gêne apportée par l’arrêt du nouvel ouvrage à l’occasion des révisions). Comme son nom l'indique, sa particularité réside dans son dimensionnement très important. Elle possède une chute d'eau comprise entre 16,10 m et 15,45 m suivant la cote des biefs amont et aval. La longueur du sas est de 40 mètres pour une largeur de 6 mètres afin de permettre le passage de péniches de 38,5 mètres (gabarit FREYCINET). A chaque bassinée (remplissage d’eau lors du passage des bateaux), il est utilisé 3800 mètres cubes d'eau. Afin de na pas gaspiller les réserves d’eau, une station de pompage permet de récupérer l’eau.
En cas de sécheresse, la section à l’aval de la Grande Ecluse (écluses 7 à 22) est alimentée par une chaîne de pompage prélevant l’eau dans la Meurthe.
Une petite réserve est parfois constituée par l’étang du Parroy, mais de manière occasionnelle.
On voit toute la complexité du système hydraulique mis en place, d’où l’importance d’une gestion équilibrée des ressources en eau, intimement liées à la climatologie locale. La mort des canaux signifierait celle des étangs et inversement.
Toute l’activité de loisirs et de tourisme du Pays de Sarrebourg en dépend !
Aussi l’entretien de ce système est indispensable si l’on souhaite pérenniser la navigation (tourisme fluvial) et la fréquentation au bords des étangs.